Welcome home, prisoner

Un nouvel arrivage allait débarquer dans pas longtemps, je me tenais prêt depuis déjà dès heures. A chaque fois, c’était un même rituel qui se jouait sur l’énorme plateforme du port spatial. Statique, je les attendais les bras croisés, sans l’once d’un tremblement qui pourrait trahir l’appréhension de cette étape. Il m’était déjà arrivé, un jour, de perdre un prisonnier de façon stupide. Une erreur de débutant que je ne commettrais plus jamais, raison pour laquelle ils étaient enchaînés tant des poignets que des chevilles. Cette fois-là, lors du débarquement, l’un des criminels avait couru vers l'extrémité de la plateforme et sauté dans le vide. Evidemment, il était mort sur le coup, échappant à la sentence qu’il s’était vu imposé. Ce n’était pas son décès qui m’avait travaillé, mais bien mon échec d’avoir fait régner la loi. Dans un sens, ce jour-là, ce type s’était libéré lui-même de ses entraves. Car il avait eu un sourire que je n'oublierai jamais, sur son visage. Quelques secondes avant qu’il ne fuit vers son trépas, le regard qu’il m’avait adressé faisait parti des choses qui m’avait le plus bouleversé durant ma courte existence. En d’autre terme, j’apprenais de mes erreurs et depuis je n’avais pas eu d’incident de cette ampleur. Des cris, des larmes, des supplications, des débuts de baston très vite maîtrisés, mais rien de bien alarmant qui ne savait être gérer par un coup dans les côtes.

J’étais actuellement dans mon bureau, avec la paperasse de cette arrivée imminente. Faisant défiler les dossiers numériques des futurs prisonniers, je regardais un peu ce à quoi j’aurai à faire les prochains jours. Avant de les lâcher dans la nature sauvage et cruelle de Skorpionis, on leur faisait un topo, ils passaient par la case explicative de leur prochaine vie de merde. J’aimais bien leur dire que beaucoup de prisonniers étaient là depuis le début et qu’ils étaient encore vivants, que c’était possible de survivre si on avait les couilles pour. Je soulignais quand même que 70% d’entre eux allaient crever une semaine après avoir foulé le sol de cette putain de planète, 20% résisteront à la Faucheuse et les 10% restant étaient ceux qui n’avaient aucune pitié concernant la moralité ou l’éthique. Un coup d’oeil à l’heure m’avertit de l’heure. Je me levais et quittais le bureau, le visage grave, les sourcils froncés. J’étais épuisé de la semaine qui s’achevait mais ne déléguais jamais les arrivages, je voulais que tous me voit et mettent un visage sur celui que j’étais ; le bourreau qui les envoyait à la mort. Suivis par des gardiens, nous arrivions sur la plateforme. J’aimais cet endroit, car il était immense, froid, sombre, les vaisseaux remplis de pourritures dont j’allais me faire le plaisir de dresser. Le vent créé par les réacteurs du vaisseaux envoyait les quelques mèches qui me tombaient sur le visage dans tous les sens. Je grognais doucement entre mes dents, tandis que l’ouverture de l’engin laissait entrevoir les silhouettes des gardiens à l’intérieur. Je fis un geste du menton pour les saluer, l’un d’eux vint me faire un rapport sur le trajet de l’aller qui semblait s’être bien passé. Dans notre langage, “bien passé” signifiait “sous contrôle”, “sans débordement”, et encore là les points de vue divergeaient. Beaucoup profitait de ces voyages pour commettre des actes répréhensibles, comme les viols des prisonniers, entre autre.

Pas de bienvenue, pas de mots tendres, j'aimais leur faire directement voir l'envers du décors. J'avais aucune idée de ce qu'on leur disait sur Terre, une fois qu'ils se faisaient attraper, et pour être honnête je n'en avais rien à faire. Ici je faisais ma propre loi, j'avais forgé mes propres règles. “Alignez-vous.” ordonnais-je d’une voix sèche alors que les exilés se montraient un à un. La file fut droite, mais l’un d’eux ne l’était pas correctement et froissait le grand côté perfectionniste qui me caractérisait. “Aligne-toi” répétais-je en lui lançant un regard noir, qui comptait comme un avertissement. Il me riait presque au nez, pourtant je ne pensais pas avoir une tête à faire rire. Non moi, j’aurai plutôt dit, à faire pâlir. Je sortais ma matraque électrique et lui envoya un coup violent contre la nuque, quitte à la lui briser. Il s’effondra sur le sol en gémissant. “Première règle : on obéit. Ici vous n’êtes rien, que des p’tites merdes dont personne ne veut. Vous étiez des leaders sur Terre ? C’est bien. Mais c’est du passé.” Mon regard se posa sur la première personne de la file, un gars barbu et musclé qui baissait cependant la tête, donc je dirai qu’il était intelligent. “Ce que vous faisiez avant de vous faire choper n’intéresse personne.” Un rictus mauvais déforma ma bouche. Mes iris glissaient alors sur la seconde, une jeune femme aux longs cheveux blonds. Elle semblait si fragile et pourtant cette étincelle de folie dans son regard me faisait penser qu’il n’y avait aucune confiance à lui accorder. Vu son gabarit, elle avait du être un poid pour quelqu’un. Et comme elle n’avait certainement rien à donner, je pouvais facilement la ficher. “Toi, t’étais certainement la pute de quelqu’un.” soufflais-je la toisant de près, avec le plus grand sérieux. “Nom et prénom. Enoncer la sentence relative à votre arrestation.” Nous savions tous quelle était leur punition mais je tenais à le leur faire dire à voix haute.